5 MARS 1998 ► Tu cours le plus vite possible. Tu sais pertinemment que si tu n'es pas assez rapide, tu vas te faire attraper. Tu te précipites dans ta cachette préférée. De là où tu es, tu ne peux rien voir, tu prêtes donc attention aux sons que tu perçois. Quand tu entends le bruit de ses mocassins qui claquent sur le parquet, tu plaques ta main sur ta bouche et essayes d'être le plus discret possible. Malheureusement pour toi, les pas se rapprochent et tu sais que bientôt tu seras découvert. Tu te prépares déjà et quand les portes s'ouvrent, tu déploies ton arme secrète. Tu fais la moue, comme jamais auparavant et quand ton père referme les portes de l'armoire dans laquelle tu t'es caché, tu sais que t'a gagné la partie. Cinq minutes plus tard, les portes s'ouvrent de nouveau et cette fois-ci, c'est ta soeur qui te fait face. Tu lui balances le plus brillant tes sourires, rien que pour la faire rager. « T’es qu’un tricheur, Ash. » Tu secoues la têtes de gauche à droite et prends aire innocent. « Même pas ! » Tu lui tires la langue et elle fait de même. Votre père arrive dans son dos, les mains sur les hanches. Tu ranges ta langue immédiatement et fais les gros yeux à ta soeur pour qu'elle arrête aussi. « Trop tard, j'ai tout vu ! » Tu fais un signe de tête à ta soeur et la seconde d'après vous êtes tous les deux en train d'enlacer les jambes de votre papa. Il rigole et se baisse pour mieux vous serrez dans ses bras. Après quelques minutes, l'étreinte s'arrête et votre père se relève. « C'est l'heure d'aller vous coucher les enfants. » Ta soeur ne bronche pas et part d'elle en direction de sa chambre. Pour toi, c'est différent. « Mais papou, je suis pas fatigué ! » Tu protestes, comme chaque soir, même si tu sais que c'est peine perdue. « Ne discutes pas Ashley, il est déjà tard. » Tu boudes, mais tu suis quand même ton père lorsqu'il te prend la main pour te conduire dans ta chambre. T'es déjà en pyjama et tu t'es lavé les dents un peu plus tôt. Tu cours donc vers ton lit et te mets sous les couvertures. Ton père s'approche de toi, il te regarde avec tendresse. « Bonne nuit mon grand. » Il t'embrasse sur le front. Tu bailles et t'enfonces un peu plus sous la couette. « Bonne nuit papa, je t'aime. » Tu commences déjà à t'assoupir et tu n'entends pas ton père te répondre qu'il t'aime aussi.

11 SEPTEMBRE 2001 ► Tu sais pas trop ce qu'il se passe mais depuis ce matin c'est la folie dans ton école. Les professeurs courent partout avec des mines défaites. T'as entendu certaines rumeurs, des rumeurs d'explosions et d'attaques terroristes. Mais t'es pas sûr de les croire, tout ça te semble tellement inimaginable, c'est digne d'un film. Tu rentres dans ta salle de cours, ton proviseur est en train de murmurer à l'oreille de ta professeur d'histoire. Tu remarques que les deux te regardent du coin de l'oeil et tu te demandes s'ils savent que c'est toi qu'a écris des obscénités sur la voiture du professeur de français. Tout le monde est à présent dans la classe, prêts à travailler mais le cours ne commence pas et à la place, le proviseur prend la parole. « Ce matin, une catastrophe s'est produite au coeur de la ville. » Trouves grand les yeux. Tu tournes la tête pour regarder ta soeur, elle a les yeux fixés sur l'homme qui parle. « Nous n'avons pas beaucoup d'information à ce sujet. Mais pour votre sécurité, il est important que vous restiez dans les locaux de l'établissement. » Tu le regardes de nouveau et son regard croise le tien. Tu lèves la main, sans même réfléchir. T'as un mauvais pressentiment. « Ça s'est passé où exactement, Monsieur ? » Il ferme les yeux quelques secondes et ça confirme tes inquiétudes. « Monsieur Jenkins, je ne peux pas... » « Où ?! » La voix de ta soeur le coupe et t'es un peu surpris de l'entendre parler avec un ton aussi agressif. Le silence fait place pendant quelques secondes avant que le proviseur ne réponde enfin à la question. « World Trade Center... » C'est la où l'entreprise de ton père est située, c'est là où le cabinet d'avocat dans lequel ta mère travaille se situe c'est là, c'est là tes parents sont partis ce matin. T'essayes de ne pas paniquer. Après tout c'est peut-être pas si grave. Mais vu les têtes que font ton professeur et le proviseur, t'arrives pas vraiment à y croire. Et ce n'est que plus tard dans la journée, quand ta tante viendra vous chercher ta soeur et toi à la sortie de l'école que tu connaîtras la vérité. Les deux tours se sont écroulées, beaucoup de gens sont morts, tes parents compris.

11 SEPTEMBRE 2011 ► Ta soeur est affalée sur le canapé, ses yeux sont fixés sur la télévision, les images qui te hantent depuis dix ans y défilent. Tu prends la télécommande et éteins le téléviseur. « Tu te fais du mal, Bee. » Son regard est toujours concentré sur la télévision. « Je t'emmerde Ash ! » Tu fais la grimace. Ta soeur et toi êtes très différents. Elle s'est toujours pas complètement remise du décès de tes parents alors que toi t'arrives à vivre avec. T'as l'impression parfois qu'elle t'en veux. Mais ce qu'elle sait pas, c'est que ces images tu les as mémorisées, elles défilent en boucle dans ta tête et te gardent éveiller certaines nuits. « On devrait sortir aujourd'hui, faire un truc pour nous aérer l'esprit ! » Elle reste silencieux. T'aimes pas la voir comme ça mais tu peux rien y faire. T'as déjà essayé pleins de choses pour qu'elle aille mieux mais rien a fonctionné. Tu soupires. « On peut aussi rester ici et se mater un film, si tu préfères. » « Laisses-moi. » Tu secoues la tête et abandonnes. Tu pivotes sur toi-même et commences à te diriger vers la sortie. « De toutes façons tout le monde m'abandonne ! » Tu te figes quelques secondes et te retournes. « De quoi tu parles ? » Tu remarques qu'elle a les yeux rouges et les joues humides. « De toi et de l'Australie ! Tu m'abandonnes ! » Tu soupires et lèves les yeux au ciel. « Je t'abandonne pas, j'y vais pour mes études. » « Tes études tu peux les faire ici ! Tu veux juste plus me voir ! » Tu passes une main dans tes cheveux, c'est n'importe quoi. « Je veux les faire là-bas. Et si tu veux venir avec moi, fais le ! » Tu te rapproches d'elle, t'assois à ses côtés. Tu lui prends la main et elle baisse un peu plus la tête. « Tu veux ? » Tu l'embrasses sur la tempe et secoue la tête. « Viens. » Elle relève la tête et te sourit. Tu te dis que peut-être, elle ira mieux là-bas.

15 OCTOBRE 2012 ► T'es assis sur le canapé, ton cahier sur les genoux et un fusain entre les doigts. Tu plisses les yeux devant la monstruosité qu'est ton dessin et t'arraches pas sans plus attendre. Tu la balances à l'autre bout de la pièce et parce que t'es une drama queen sur les bords, t'enterres ta tête sous les coussins. « Tu te sens bien Ash ? » Tu sursautes et relèves la tête. Ta soeur est dans le salon, tu l'avais même pas entendu rentrer. Elle est pas seule, une jeune fille l'accompagne. Tes yeux tombent sur elle et tu peux pas t'empêcher de sourire. Elle est jolie. Ta soeur se racle la gorge et tu tournes la tête vers elle. « Quoi ? » Elle lève les yeux au ciel et se tourne vers son amie. « Fais pas attention à lui. » La fille rigole. Et ta soeur lui demande de la suivre. Elle le fait docilement et toi, tu la regardes partir. Mais avant qu'elle disparaisse complètement de ton champs de vision, elle tourne la tête dans ta direction et te lance un magnifique sourire. T'es même pas surpris quand une vingtaine de minutes plus tard, tu te rends compte que tu viens de la dessiner.

6 MAI 2014 ► Tu avales ton verre cul sec, comme si c'était de l'eau. L'alcool te brûle même pas la gorge, c'est pas ton premier verre. Ce soir, t'as décidé de faire la fête. T'es déjà un peu éméché, et ça fait déjà un petit moment que t'as perdu ta copine. Tu commande un autre verre, et tu laisses même pas le temps au barman de le poser sur le comptoir. Tu l'avales aussi rapidement que le précédent et en demande aussitôt un autre. Le barman fronce les sourcils, t'as déjà beaucoup bu. Mais tu lui tends un gros billet, il a l'air surpris par la somme que représente ce billet mais il dit rien et va te chercher ton verre. Tu souris à cette petite victoire. « C'était très habile... » Tu te retournes, ton verre à la main, et te retrouves face à une brune pulpeuse. « Et très sexy. » Elle te fait un clin d'oeil et tu arques un sourcil. Elle se rapproche, sa démarche est féline. T'es sa nouvelle proie. T'as presque envie de rire, elle doute de rien. « T'aimes ce que tu vois ? » Elle te le murmure à l'oreille, sa voix est aguicheuse, elle est sûre d'elle. Tu ris. « Non ! » Tu secoues la tête et pivotes sur ton tabouret en jouant un peu avec ton verre. Quelques secondes après tu sens un main se poser sur ton épaule. Tu te retournes prêt à dire plus explicitement à la fille que t'es pas intéressé. Mais tu te retrouves face à un homme et dès que ton regard croise le sien, tu perds toutes tes facultés intellectuelles. Il entoure ton poignet de ses doigts et t'attire avec lui. Tu le suis. Tu sais pas ce qui t'arrives. T'es totalement hypnotisé. Vous arrivez dans un coin sombre, tu sais pas où tu es. T'es désorienté. Il te pousse contre le mur et il t'embrasse, juste comme ça. Il te faut quelques minutes pour que tu te rappelles que t'as une copine. Quand tu t'en souviens enfin, tu le repousses et tu prends tes jambes à ton cou. C'est un peu plus tard dans la soirée, alors que t'es assis avec ta copine et que t'essayes de faire comme si tout aller bien que tu le revois. Il s'approche de vous et t'es tellement occupé à le regarder que tu remarques même pas que ta copine est en train de lui faire un signe de la main. Tu le vois sourire et tu commences à flipper. Et quand ta copine te le présente en disant que c'est son frère, tu sais pas si tu dois être soulagé ou complètement paniqué. T'es foutu.